(AFP) - Vingt ans après avoir raconté sa "vie sexuelle" et ses pratiques échangistes, l'écrivaine Catherine Millet revient sur ce succès de librairie et déplore une époque marquée par un "recul" de "la tolérance pour la sexualité des autres".
La Vie Sexuelle De Catherine M Telecharger
Sur le plateau de l'émission Quotidien du 11 janvier 2018, elle dit à propos des frotteurs dans le métro : J'ai une certaine compassion pour les frotteurs. Quelqu'un qui en est réduit à ça pour trouver une satisfaction sexuelle doit être dans une certaine misère sexuelle [6]. Dans la même émission, elle affirme être contre la loi sur les violences sexuelles et le harcèlement de rue[7] proposée par Marlène Schiappa pour courant 2018[8].
Bref, je suis entrée dans la vie sexuelle adulte comme, petite fille, je m'engouffrais dans le tunnel du train fantôme, à l'aveugle, pour le plaisir d'être ballottée et saisie au hasard. Ou encore : absorbée comme une grenouille par un serpent.
Bien connue dans les milieux de l'art, auteur d'essais sur l'art contemporain et de monographies consacrées aux artistes d'aujourd'hui, Catherine Millet entreprend de raconter sa vie sexuelle. Avec une crudité et une clarté dont on reste confondu.
Le récit ne suit aucune chronologie, la relation des événements (non datés) et la description des scènes sexuelles étant distribuées selon quatre chapitres : " le nombre ", " l'espace ", " l'espace replié " et " détails ".
Un livre érotique à l'écriture plate, bâclée ou grivoise n'est qu'un torche-cul. Il faut toujours avoir du style, en particulier dans ce domaine où la médiocrité tourne vite au fiasco. Parue en 2001, La Vie sexuelle de Catherine M. restera un classique parce que jamais aucune femme n'avait raconté avec autant de franchise et d'impudeur sa boulimique sexualité libertaire; parce qu'une écriture classique à l'élégante maîtrise faisait contrepoint à la crudité des mots et des scènes. Publicité
Jour de souffrance est la version sentimentale et intellectuelle de La Vie sexuelle de Catherine M. D'ailleurs, on y retrouve certains épisodes, comme sa rencontre avec l'écrivain Jacques Henric, l'homme de sa vie. Avant lui, il y eut Claude, fondateur d'Art Press, revue dont Catherine Millet est la directrice de la rédaction. Il réglait leurs différends par la violence, alors que Jacques Henric leur donne une conclusion provisoire sur l'oreiller. Tout compte fait, si Catherine Millet a baisé avec une multitude d'hommes, il n'y en a eu que deux dans son lit. Elle a ouvert sa porte avec beaucoup moins de générosité que ses cuisses. La suite après cette publicité
Dans un couple de libertins où la transgression des codes moraux est fondée sur la quête, tantôt personnelle, tantôt collective, du plaisir, sur l'indépendance, sur la disponibilité, sur la permissivité et sur la sincérité de chacun, on pourrait croire que la jalousie est impossible. Eh bien, si! Dans La Vie sexuelle? (pp. 73, 74 et 75), Catherine Millet en faisait brièvement l'aveu. Cette fois, la jalousie occupe tout le livre, et bien des femmes et des hommes de couples ordinaires se reconnaîtront dans la naissance, les mesquineries, les désordres et la douleur de ce sentiment, même si les ressorts psychologiques n'en sont pas les mêmes. Encore que?
Catherine Millet n'a jamais associé l'amour et le plaisir sexuel. Mais, au fil des années, ses sentiments pour Jacques Henric ont grandi au point de lui rendre intolérables ses aventures avec d'autres femmes, qu'il gardait secrètes. Elle en eut la révélation par la lecture sans scrupule de ses carnets et des paquets de lettres qu'il avait reçues. Plus les initiales et les notations étaient énigmatiques, plus son imagination la torturait. Laissait-il ici et là des papiers griffonnés et froissés? Elle les défroissait et les lisait. Sa jalousie était devenue obsessionnelle. Et rien n'y faisait: ni les explications, ni les silences, ni les sanglots, ni les crises de violence, ni son corps qu'elle jetait contre les murs, ni l'amour fait dans la détresse ou la compassion. Même ses rêves, et surtout les films très élaborés qui accompagnaient ses séances de masturbation et sur lesquels elle est d'une précision d'animatrice de "club d'art et d'essai", en étaient complètement désorganisés. Elle ne fantasmait plus sur sa vie sexuelle, mais sur celle de Jacques. C'est à une "désintégration" de sa personne qu'elle assistait, impuissante. La suite après cette publicité La suite après cette publicité
Catherine Millet n'était-elle pas dans la position ridicule de ces maris qui trompent effrontément leur femme depuis longtemps et qui, lorsqu'ils apprennent qu'elle a un amant, rugissent de colère et d'indignation? Il y a de ça, mais c'est plus compliqué. Car le corps que Catherine Millet livrait, dans des lieux improbables, aux mains et au sexe de multiples partenaires, et qui ne lui procurait pas toujours le plaisir qu'elle en attendait, était bien le sien, mais si flottant, si détaché d'elle-même, si ailleurs, qu'il n'était pas le même que le corps aimant, jouissant et souffrant de ce qu'elle aurait pu appeler le domicile conjugal. Voilà que chez une grande libertine le c?ur s'en mêle, et c'est la panique. Voilà que la libertaire sexuelle imagine son homme dans les bras de femmes plus jeunes qu'elle, et c'est la débâcle. La jalousie n'est pas raisonnable. Le c?ur a ses raisons que le sexe ne connaît pas.
Catherine Millet, intellectuelle rompue aux analyses savantes de l'art moderne, s'efforce, avec cette franchise implacable qui est la sienne, de mettre au jour les ressorts de sa profonde détresse qui a duré plusieurs années. Pour Jacques Henric, à n'en pas douter, un livre d'amour. Pour nous, la longue confession sur notre divan de psy amateur d'une femme qui n'est pas aussi impassible et cynique que la lecture de La Vie sexuelle? pouvait nous le laisser croire. Sommes-nous émus? Non, à notre tour d'être francs, nous sommes rassurés. 2ff7e9595c
Comentarios